the story of my life.Elle ne prit pas la peine d'ouvrir les yeux. Avant cela, elle voulait prendre pleinement conscience de son corps. La douleur qui l'étreignait, d'où elle provenait, dans quelle position inconfortable elle se trouvait... Chaise de bois, pieds et poins liés, buste en avant. Jambe gauche cassée, poignet droit cassé, blessure superficielle à la tempe droite, entaille profonde au bras gauche, coupure à la lèvre inférieure droite, omoplate elle aussi entaillée, épaule droit déboité. Jean lambrissé, Veste arrachée pendant mollement au coude droit, t-shirt intact, pieds nus.
Finalement, elle ouvrit les yeux. Elle fixait le carrelage rougi par son propre sang. Il était tant maculé de crasse qu'elle ne pouvait en discerner la couleur. Pourtant, un puissant éclairage semblait l'entourer. Elle, uniquement elle. Elle ne releva pas la tête. Elle savait pertinemment qui se trouvait devant elle. Un sourire rouge, une veste violette, cette même figure qui l'indifférait quatre ans plus tôt. Elle songea à quel stratagème elle pourrait bien mettre en place pour se tirer d'ici. Elle pensa à Harley. Était-elle là, à regarder ? À se délecter de la vision de sa pseudo-protégée ensanglantée ? Elle se demanda s'il était pertinent de continuer à fréquenter le Joker et sa clique, si un jour, il ne finirait pas par la tuer.
Elle fouilla sa mémoire. Comment s'était-elle retrouvée ici ? La veille, Est-End, ruelle nord, minuit à peine. Elle était seule quand elle avait été accostée. Une batte de baseball. Dans la surprise, elle ne peut se défendre. Coup à la tête, elle tombe à genoux. Ne se relève pas. C'était donc ça. Un bon vieux sbire et le Joker achevait. Qu'avait-il fait pendant qu'elle était inconsciente ? Son sang battait à ses tempes. Il l'avait droguée pour qu'elle ne se réveille pas. Il l'avait frappée visiblement, tailladé le bras et sûrement traînée par terre. Mais ça n'était pas suffisant. Il manquait les cris. Parce que les cris, c'est drôle.
Le goût du sang dans sa bouche lui fit comprendre qu'il n'en avait pas terminé. Il était là, tapi dans l'ombre de la pièce, attendant qu'elle se réveille. Probablement le savait-il déjà mais elle devait se manifester, apporter une preuve. Elle attendit. Allait-il se résigner ? Insupporter par son impatience légendaire ? Elle sentit une larme rouler sur sa joue. La douleur et non la peur. Oh que non, elle n'avait pas peur. S'il lui fallait mourir, elle se jurerait de ne pas hurler, de ne pas supplier le macabre personnage. La gorge sèche, et les yeux embués, elle releva la tête. Elle ne le vit pas. La lumière qui décrivait un cercle autour d'elle lui cachait le reste de la pièce. Elle ne voyait pas les murs, ne pouvant ainsi pas deviner la surface de la pièce, ni où se cachait le Joker. Elle déglutit péniblement et scruta la pénombre.
« On dirait que la poupée est réveillée... » Immédiatement, elle tenta de le voir, de le regarder dans les yeux avant de mourir. Mais il était toujours caché. Probablement assit à l'observer d'un regard pervers. La voix s'élever de derrière elle, mais la douleur qui s'éleva de son épaule l'empêcha de se tortiller dans sa direction.
Poupée. C'était ainsi qu'il la surnommait passant parfois au
Bébé ou l'appelant
La Mioche devant ses sbires et loin d'Harley. Étrangement, lui d'habitude sans scrupules n'osait s'en prendre à la gamine près de l'arlequin. Lui qui se fichait des apparences, lui qui exprimait ses envies à toute heure du jour et de la nuit n'osait pas la toucher. En quatre ans, Sacha n'avait cesser de coller sa protectrice, uniquement pour que le monstre lui fiche la paix. Harley était loin. Sacha était seule. Elle cracha le sang qui lui montait à la bouche. Il alla s'écraser sur le carrelage poussiéreux en un répugnant
splash. Le Joker eut un rire et elle ne put réprimer un frisson d'angoisse. Elle transpirait à grosse goutte et la sueur s'insinuait près de ses blessures. Elle fut prise de toux et du sang s'échappa de nouveau de ses lèvres. Un bruit de chaise, des pas sur le carrelage. Il s'avança dans la lumière, imposant, vêtu de violet, son sourire et ses yeux braqués sur elle. Elle le regarda, crachant sur le sol tandis que des larmes de douleur roulaient sur son doux visage.
« Petite poupée a mal ? Quel dommage... Petite poupée pleure ? Oh non... » fit-il en pouffant. Il s'approchait d'elle calmement, tout en décrivant des cercles autour du siège qui la retenait. Elle n'osait plus le regarder. Elle rebaissa la tête et ses cheveux poisseux collèrent à son visage. Eux aussi étaient maculés de sang, preuve concrète qu'elle avait reçu de sérieux coups à la tête. Il éclata de rire à son oreille et ses grandes mains squelettiques se saisirent de sa crinière brune.
« Oh non que tu ne vas pas dormir poupée. J'en ai pas terminé avec toi. » Il tira sa tête en arrière la forçant à s'adosser malgré les entailles qui lambrissaient son dos. Ses grands yeux plongèrent dans les siens. Ils riaient, tout comme le sourire rouge qui s'étendait sur son visage blanc.
« Il semblerait que ta chère protectrice, ma tendre Harley ne soit pas là pour te sauver la mise, poupée. Oh que non ! Pour notre plus grand plaisir, je l'ai envoyée en mission spéciale - une mission contre les chauve-souris. » Lorsqu'il tira violemment sur ses cheveux, elle ne put retenir un gémissement de douleur. Il se saisit du dossier de la chaise, manquant de la faire tomber au sol mais ses puissants bras la retinrent. Leurs visages désormais à quelques centimètres, Sacha pouvait sentir son haleine putride tandis que ses yeux verts fixaient les prunelles marrons de la jeune fille.
« Je vais te dire quelque chose, poupée. J'aime pas les mioches, c'est une évidence. Et je suis sûre que si ma tendre et chère t'avait recueillie quelques années plus tard, ça aurait marché entre nous. T'es douée à l'épée, t'es plutôt intelligente et t'as sorti Harley de plusieurs situations compliquées, mais t'es trop près de ma Harley. » Il marqua une hésitation. Il prit soin de fixer avec insistance ses prunelles marrons avant d'éclater de rire.
« Mais avant de t'éliminer, brûler ton corps et trouver une excuse pour justifier ton absence, autant s'amuser un petit peu, tu ne trouves pas ? » Il la contourna et défit les liens qui retenaient ses poignets. Il fit de même avec ses chevilles et la laissa s'écrouler sur le sol après l'avoir poussée. Elle ne put s'empêcher de hurler, un cri de douleur qui déclencha le rire macabre du Joker. Son pied heurta violemment le ventre de la jeune fille. De nouveau, une gerbe de sang s'échappa de sa bouche. Elle eut un sanglot de douleur qui s'étrangla dans sa gorge. Il s'accroupit près d'elle en riant. La tirant par les cheveux, il la força à se tourner sur le dos. Elle voyait son sourire satisfait tandis que son rire se fracassait contre les murs de la pièce. Elle sentit une larme rouler sur sa joue. Le pouce du clown l'essuya, peignant sur son visage une moue désolée.
Un claquement de porte derrière eux, le rire du Joker se stoppa net, des bruits de bas sur le carrelage, une toux incontrôlable puis une timide voix s'élever dans l'ombre.
« Patron, euhm désolé de vous déranger, mais il y a un problème. » Le clown se racla la gorge d'un air menaçant et se pencha de nouveau vers Sacha. Il passa ses doigts crasseux sur son visage et glissa à son oreille :
« Je reviens poupée, ne bouge surtout pas d'ici. ».
Le personnage se releva avec précipitation et saisissant le malheureux qui avait osé l'interrompre, il se dirigea vers la porte. De nouveau, elle claqua et Sacha crut entendre une clef tourner.
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